Rapport d’étape de la Commission IA-ICF-France

Aujourd’hui, il n’y a pas d IA dans le coaching!

Edith CORON, coach (PCC) et coordinatrice Commission IA ICF-France

Equipe projet : Christelle VANDRILLE (PCC), Amelle ELKHABLI (ACC), Samia KLOUCHE (MCC), Sarah THEVENET, Malorie METRAL et Michel CEZON 

La commission Intelligence Artificielle et Coaching du Chapitre France d’ICF est le premier groupe de travail sur ce thème au sein ICF et le premier dans une organisation professionnelle de coachs. 

Elle s’est constituée à l’automne 2018, à la suite du Forum ICF-France 2018 dont le titre, à dessein provocateur, était « L’Intelligence Artificielle sera-t-elle le coach de demain ? ». Cette entrée en matière sur un sujet complexe et en permanente évolution a permis à ICF-France d’amorcer une réflexion sur les impacts de l’Intelligence Artificielle et du digital sur les métiers de l’accompagnement. 

Pour l’approfondir la commission s’est donnée les missions suivantes :

  • assurer une veille pour mieux suivre les évolutions et avancées de l’IA et du digital dans des domaines liés à notre métier 
  • en être le relais auprès des adhérents d’ICF et de la profession en général
  • être un acteur de la réflexion engagée en France et au-delà, autour de nos métiers, sur l’Intelligence Artificielle et le digital, en particulier sur les questions éthiques.

Lors d’un wébinaire dans le cadre de la Web Coaching Week, en mai 2019, elle a offert un premier rapport d’étape sous forme de d’échange d’informations et d’interrogations. Cet article en reprend les principaux points.

Après six mois de travail, nous pouvons affirmer qu’actuellement, il n’y a pas d’Intelligence Artificielle dans le coaching ! Pour étayer cette affirmation, un cadrage sémantique s’impose ainsi qu’un rappel de la définition du coaching par ICF. Ils éclairent notre état des lieux.

Cadrage Sémantique

Les outils digitaux et l’Intelligence Artificielle sont des techniques en partie similaires qui peuvent être exploitées séparément ou de manière complémentaire. Les premiers ont pour vocation d’accompagner les individus en rendant plus efficientes leurs actions personnelles et professionnelles courantes. La seconde cherche à imiter le fonctionnement humain.

  • Les outils digitaux sont des programmes informatiques qui associent des algorithmes simples et un faible volume de data.L’algorithme est une suite d’instructions mathématiques programmées par l’homme et la data est une masse de données.
  • L’Intelligence Artificielle intègre à des programmes informatiques des algorithmes complexes appliqués à un vaste volume de données, le Big data. Dans le cas de l’IA, les algorithmes peuvent être auto-apprenants (machine learning).

Le chatbot et le matching sont désormais des outils digitaux familiers. Le chatbot invite l’homme à s’engager dans une interaction avec une machine. Elle est proposée actuellement sous troisformats exploitant la même technique : à une question posée, le chatbot repère un ou plusieurs mots et propose des solutions adéquates. 

  • Chatbot écrit : CNN pour réaliser une recherche d’informations liées à l’actualité.
  • Chatbot vocal : Alexa d’Amazon qui réalise à la demande des actions en lien avec les outils connectés de l’habitat.
  • Chatbot hybride : Siri d’Apple qui transcrit un ordre oral à l’écrit et l’exécute

Le matching met en relation des individus entre eux. Le plus usité est le site de rencontre Meetic. Les profils de chaque personne sont remplis et dès lors qu’il y a des similitudes, une information est transmise à chacun pour permettre une relation en personne.

L’Intelligence Artificielle a pour intention de rendre l’interaction machine – homme plus proche des interactions entre humains. Elle intègre entre autres l’analyse des émotions et des réactions. A partir de données transmises initialement, l’Intelligence Artificielle apprend de ces expériences et ainsi enrichit d’elle-même ses réactions potentielles à adopter face à un enjeu, tel un enfant qui grandi en fonction des expériences qu’il va vivre. Ainsi, Watson, conçu par IBM, a pour but de répondre aux sollicitations humaines, il est proposé dans des fonctions tel que l’accueil dans des bureaux.

Etat des Lieux

Avec ce cadrage sémantique comme référence, nous avons commencé à faire un état des lieux des acteurs l’IA et du digital en lien avec le coaching. 

Cependant, notre veille ne porte pas sur l’IA en général et ses avancées technologiques mais bien sur ce qui émerge et peut impacter les métiers de l’accompagnement et le coaching en particulier. De plus, dans un premier temps, nous nous sommes limités à explorer notre éco-système immédiat : la France. 

Pour cela nous nous sommes rapprochés, du Lab-RH à Paris, des incubateurs de start-ups dans les régions, profitant du fait que plusieurs de nos membres sont en province (Lyon, Marseille, Grenoble). Nous avons interviewés des fondateurs de start-ups, assisté à des conférences et débats, lus des livres et des articles, suivi l’actualité dans ce domaine.

Au sein du Lab-RH par exemple qui regroupe start-ups et entreprises autour de l’innovation en matière RH, sur 400 membres près de 50 affirment toucher au coaching. Nous sommes allés voir de quelle manière. Nous avons été sélectifs et avons choisi d’ignorer les champs du recrutement qui est très actif ou du pilotage RH qui ne sont pas notre cœur de métier.

Nous avons constaté que des outils digitaux voire des plates-formes entières existent et se développent au service du coaching ou en en complément mais nous n’avons pas trouvé d’IA au sens propre de l’application d’algorithmes à des masse de données (Big Data).

Nous avons identifié

  1. Le Sourcing par plateforme :trouver des coachs à la demande, en B2B (coach en sous-traitance) ou B2C (pour le coach être en direct avec le client) comme avec la plateforme « trouver un coach » d’ICF par exemple. Dans ces stocks de coachs, les clients font leur choix.
  2. Le matching veut aller plus loin, il met en contact un coaché et un coach, sous forme de questionnaires, qui procèdent par grille de critères qui sont pour certains objectifs, âge, sexe, expérience professionnelle etc. et des critères subjectifs fondés, par exemple, sur des valeurs. Les réponses sont corrélées par un algorithme par affinités ou opposition entre un pool de coachs et des clients.
  3. De nombreusesplateformes de coaching digitalintègrent du sourcing et parfois du matching. Elles offrent du coaching à distance, virtuel qui peut être en général sur la base de RDV préalables et dans certains cas à la demande.
  4. Des outils d’auto coaching, des chatbots en forme de questions-réponses sur des schémas d’arborescences à partir donc de scenarii préétablis. Une de ces applications est par exemple conçue exclusivement pour le téléphone.
  5. Des outils de prise de conscience de soien ligne comme des tests psychométriques d’auto évaluation qui peuvent être intégrés à
  6. Des plateformes d’e-learning avec des bibliothèques de ressources numériques (vidéos, Ted Ex, articles, blogs) avec ou sans modules d’enseignement. Des coachs peuvent être impliqués en complément.
  7. Un champ spécifique, très actif est celui de l’orientation de carrière en particulier pour les jeunes sur des plateformes avec intervention de psychologues ou dans certains cas de coachs.
  8. Enfin des outils de monitoring RH peuvent aussi intéresser les coachs : ceux qui mesurent l’engagement, le bien-être au travail. Les entreprises peuvent en partager les résultats avec les coachs.

Dans tous ces cas, il s’agit actuellement de digital et non pas d’IA. Les arborescences, grilles, critères et contenus sont tous définis par des humains.

La data en coaching ?

Pour parler d’IA, il faut associer algorithme et Big Data, or en matière de coaching, la data comme carburant fait actuellement défaut. Et la question de la data en coaching soulève de nombreuses interrogations : quelles bases de données peut-on constituer et utiliser en coaching ? Qu’est ce qui peut être modélisé ? Quel est cadrage éthique et qui le définit ? 

Puisque l’alchimie de la relation, l’alliance entre coaché et coach sont difficilement quantifiables ou modélisables, et que les conversations au cœur de notre métier sont confidentielles, où va-t-on chercher de la data ?

Définition du coaching ICF
Pour poursuivre la réflexion, un retour aux fondamentaux s’impose, en particulier un rappel de la définition du coaching d’ICF à mettre en miroir à nos propos.

ICF définit le coaching comme « une alliance entre le coach et ses clients dans un processus qui suscite chez eux réflexion et créativité afin de maximiser leur potentiel personnel et professionnel ». Pour accompagner l’évolution d’une personne, d’une équipe ou d’une organisation, le coach s’appuie sur l’art de la relation qui permet d’entrer en interaction avec quelqu’un d’une façon telle qu’il réalise les projets qu’il choisit de mettre en œuvre en transformant, si c’est pertinent, ses attitudes et ses compétences.

Les notions clés suivantes émergent, en deux pôles : Alliance, Relation, Interaction et Réflexion, Transformation, Créativité. 

L’alliance est un des piliers de notre métier. On peut la mettre en regard avec l’outil du matching qui est une mise en relation permettant de connecter deux individus et alors se demander si cette mise en relation participe de l’alliance. Si c’est le cas, c’est effectivement le premier pas. Mais les offres de matching permettent-elles de construire l’alliance que nous avons besoin de créer avec nos clients? Que faudrait-il à l’outil de matching pour permettre une alliance partielle voire totale? Quelles sorte d’alliance peut-on faire avec une machine? Une fois la connexion initiale réalisée, tout le travail reste à faire pour créer une véritable alliance qui va permettre de construire la confiance du client avec son coach. 

Concernant la réflexion, de nombreuses bases de données sur le coaching sont à disposition sur la toile dans lesquelles nous puisons tous plus ou moins abondamment et les outils psychométriques nous aident à enrichir nos coachings.

Les outils d’auto-coaching peuvent s’appliquer aux coachés comme supports de prise de conscience et par les coachs comme peut être moyen de mesurer leur niveau de coaching par rapport aux onze compétences et plus largement permettre de porter un regard autoréflexif sur notre posture professionnelle. 

Ces outils digitaux justement parce qu’ils sont des outils peuvent contribuer à notre réflexion, enrichir nos savoir-faire, nous aider à susciter la réflexion de nos clients? Nous les créons et ils sont à notre service.

 

Y aura-t-il de l’IA dans le coaching et comment ?

Certaines start-ups commencent à travailler sur la data à partir de bases de données-test restreintes, qu’elles appliquent ensuite aux bases de données partagés par leurs clients. Elles testent des prototypes par exemple avec les outils de la PNL, d’analyse linguistique/sémantique.

Google et Facebook travaillent en IA sur la reconnaissance vocale et la reconnaissance faciale des émotions. Ces outils seront-ils accessibles aux coachs ? Comment ?

Quelles utilisations pourrons-nous en faire ?

Quelques-uns de nos collègues sont associés à des start-ups, certains fondateurs de start-ups sont des coachs certifiés. Certains parlent même d’engager des coachs comme entraineur d’IA.  

Notre commission commence à prendre ses marques dans notre écosystème français. Des synergies s’amorcent alors que nous constatons aussi que la digitalisation du coaching amène à sa massification à la fois de la demande et de l’offre et avec cela son corolaire des tarifs fortement à la baisse, soit un risque grandissant de ce que certains n’hésitent pas à nommer l’überisation du coaching.

Pour ce qui est de la commission IA d’ICF-France, nous explorons avec curiosité et humilité la révolution technologique en cours, dans une approche indépendante des intérêts commerciaux des uns et des autres, sans apriori mais sans naïveté face aux hyperboles du marketing de l’IA.

Nous sommes au service de notre communauté. Nous sommes en France dans un éco-système actif et novateur, nous avons un rôle à y jouer. Parce que notre commission est pionnière au sien de la communauté du coaching au niveau global, nous sommes aussi sollicités tant en France, qu’à l’étranger pour participer au débat et à l’élaboration des normes éthiques du coaching au 21 siècle.