Le groupe de codéveloppement, un produit du terroir Québécois

Couverture du livre "Le groupe de codéveloppement en pratique"

Par Béatrice Melin[1], MCC et Michel Desjardins[2], PCC

L’approche et la pratique du groupe de codéveloppement professionnel a été développée il y a déjà plus de 25 ans au Québec par Adrien Payette et Claude Champagne[3]. Elle a fait ses preuves, souvent discrètement, et sa maturité et sa solidité ont profité à des centaines de milliers de personnes dans plus d’une trentaine de pays. Pour en savoir davantage, consulter le site de l’Association québécoise du codéveloppement professionnel (www.AQCP.org)

Comment expliquer un tel engouement?

Comme co-auteurs en 2022 au sein d’un collectif[4] sur cette pratique, nous avons réfléchi à cette question avec nos regards des deux côtés de l’Atlantique en considérant nos parcours professionnels respectifs :

  • Michel a une formation de psychologue et de coach (PCC) et il a été le président fondateur de l’Association québécoise de codéveloppement professionnel. Il est notamment intervenu pendant 5 ans comme formateur d’animateurs de groupe de codéveloppement à l’Apm en France.
    « Dès 1994, j’ai été conquis par la profondeur de cette approche qui permet d’entrer en contact avec les pensées, les ressentis et les modes d’action d’une personne pour l’aider et apprendre ensemble. Je participe au même groupe depuis plus de 25 ans et cela me permet de continuer à m’entraîner à la pratique réflexive ».
  • Béatrice a un parcours initial en entreprise et exerce en tant que Coach (MCC) depuis 2004. En 2011, Marc Guionnet (MCC) initie des webinaires de perfectionnement pour ICF France (l’ancêtre des webinaires francophones ICF Synergie), et en 2012 Béatrice lance dans ce cadre-là les premières expériences de séances de codéveloppement en ligne.
    « J’ai découvert la pratique réflexive en supervision en 2004 et je suis tombée en amour avec le groupe de codéveloppement professionnel et managérial, malheureusement réduit à « Codev » en France. C’est bien plus qu’outil ou une méthode. C’est une pratique facilitée des savoir-être de demain, en ce sens un puissant levier de transformation des organisations et de la société ».

Nous émettons six hypothèses en réponse à la question de la popularité du codéveloppement.

1 – Une approche pragmatique. Le groupe de codéveloppement vise essentiellement à améliorer les pratiques professionnelles de chaque membre et l’efficacité des personnes et des organisations. Sa méthode en six étapes[5] porte sur l’exploration des options dans la zone de pouvoir de la personne qui partage son sujet de consultation et moins sur les causes d’un problème. Comme en coaching, l’orientation est portée vers un changement positif et vers l’encouragement.

2 – L’entraide pour l’émergence de savoirs tacites. Les savoirs tacites devancent très souvent les savoirs formalisés. Le groupe de codéveloppement constitue un espace réflexif privilégié pour partager, s’entraider et soutenir les apprentissages entre pairs.

3 – Utile autant pour les entreprises privées, publiques et autres formes associatives.  Un vaste sondage[6] mené par l’AQCP auprès des membres au Québec et en France indique que le codéveloppement semble plus présent au Québec dans les secteurs publics et parapublics alors qu’en France, on le retrouve davantage dans les entreprises privées. Le sondage révèle aussi que :

  • 47% des groupes de codéveloppement font partie d’une stratégie de transformation organisationnelle. 
  • 63% des groupes de codéveloppement sont intégrés dans des ateliers ou des programmes de formation intra-entreprise.
  • La méthode du codéveloppement est intégralement respectée depuis sa création en 1997. Une méthode costaude qui vieillit bien.

Il est intéressant de lire plusieurs récits d’expériences racontés par des praticiens tant dans les secteurs privés, publics que dans des associations professionnelles et organismes communautaires[7].

4 – Une pratique pour des coachs. Près de 75% des animateurs de groupe de codéveloppement sont formés au coaching ou à la relation d’aide. Leurs approches professionnelles constituent des atouts majeurs pour faciliter la compréhension, l’exploration des situations et surtout pour favoriser les prises de conscience qui génèrent les apprentissages de chacun. Tout coach certifié pourra s’appuyer, pour animer un groupe de codéveloppement, sur le référentiel des 8 compétences qu’il maîtrise, entre autres: C3 contrat, C4 espace de confiance, C7 prises de conscience et C8 apprentissages.

5 – Des impacts de plus en plus documentés. Plusieurs recherches scientifiques[8] récentes révèlent :

  • Une amélioration significative du sentiment d’auto-efficacité des participants notamment au niveau du travail d’équipe, du sens politique et de la résolution de problèmes.
  • La pertinence des groupes de codéveloppement pour la consolidation des rôles et des pratiques professionnelles, des compétences d’écoute, de questionnement et de leadership.
  • Un réel transfert des apprentissages réalisés en codéveloppement en les utilisant au quotidien pour améliorer leur performance.

6 – Une stratégie efficace de soutien aux changements organisationnels. Des organisations misent sur les groupes de codéveloppement comme mesure de soutien aux transformations qu’elles initient. À titre d’exemple, les expériences[9] de Décathlon, de la RTM et des pompiers du SDIS de la Savoie[10] démontrent la pertinence et les impacts du codéveloppement pour soutenir un changement de culture et de pratique managériale.

Quel est l’avenir du codéveloppement ?

La pratique du codéveloppement est maintenant répertoriée dans les ouvrages portant sur l’intelligence collective, le développement des ressources humaines, les approches collaboratives…Il y a cependant des questionnements légitimes.

Faut-il être certifié pour animer un groupe de codéveloppement? Il n’existe pas de certification officielle d’animateur de groupes de codéveloppement délivrée par un organisme indépendant. La posture d’ouverture, de système vivant, voulue par les fondateurs Adrien et Claude, est toujours d’actualité. Des référentiels de compétences[11] existent, il est important que chaque commanditaire et animateur, s’y réfère avec sérieux et intégrité. Il est certain qu’un coach certifié par ICF a déjà démontré un certain nombre de compétences indispensables à une animation de qualité. S’il est supervisé ou s’il fait partie d’un groupe d’animateurs de codéveloppement, c’est un gage de son engagement dans sa professionnalisation continue.

Les groupes de codéveloppement peuvent-il être utiles en dehors des organisations? La méthode a été initialement conçue pour des managers, puis elle a été utile pour des professionnels et autres travailleurs dans les organisations. Des expériences novatrices ont cours avec des personnes qui assument d’autres rôles sociaux : parents, retraités, bénévoles, proches-aidants, écoliers… Les principes d’entraide et d’apprentissage sont donc pertinents dans différentes sphères de vie et dans différents contextes sociaux, y compris pour du développement personnel[12]

Conclusion

Plusieurs professions d’accompagnement s’appuient sur un référentiel de compétences spécifique. Celui d’ICF est probablement celui qui est le plus proche des compétences requises en animation de groupe de codéveloppement. En effet, on retrouve un élément fort dans les pratiques du codéveloppement et du coaching (ICF) : l’utilisation concrète sur le terrain des prises de conscience et des apprentissages réalisés lors d’une séance.


[1] https://www.linkedin.com/in/beamelin/ & https://www.coachfederation.fr/trouver-coach/coach/beatrice-melin/

[2] https://www.linkedin.com/in/desjardinsmichel22/

[3] Payette, A. et Champagne, C. (1997) Le groupe de codéveloppement professionnel. Les Presses de l’Université du Québec.

[4] Desjardins, M. et al. (2022) Le groupe de codéveloppement en pratique, l’expérience des codéveloppeurs, JFD Éditions, 469 p.

[5] https://www.aqcp.org/le-codeveloppement-en-resume-cest-quoi/

[6] Parnet, J. et al. Qui sont les codéveloppeurs in Desjardins, M. et al. (2022) Le groupe de codéveloppement en pratique, l’expérience des codéveloppeurs, JFD Éditions, p.50-64

[7] Voir plus particulièrement les volumes Le groupe de codéveloppement en pratique (Desjardins et al. (2022), JFD Éditions) et Le codéveloppement, l’intelligence collective au service de l’individu et du groupe (Champagne, 2021, Éd. Eyrolles).

[8] Paquet, M. et al. Codév-Action : accompagnement, optimisation et retombées des groupes de codéveloppement professionnel in Desjardins, M. et al. (2022) Le groupe de codéveloppement en pratique, l’expérience des codéveloppeurs, JFD Éditions, p. 163-168

[9] Leibig van Huffel et al. (p. 236 à 239) et Melin , B.et al. (p. 240 à 242) in Champagne, C. Le codéveloppement, l’intelligence collective au service de l’individu et du groupe (2021) Éd. Eyrolles

[10] Perrod, J-L. (PCC) et Clavaud, E.  Conférence lors du colloque 2019 de l’AQCP

[11] Voir Charte des compétences de l’AQCP www.aqcp.org , section membres. Aussi Champagne, C. (2021), Le codéveloppement, l’intelligence collective au service de l’individu et du groupe, Éditions Eyrolles, p. 267 à 273.

[12] Les routardes du dialogue, (2022) Le codéveloppement personnel, Le Lys Bleu. 128 p.