Coaching et préparation mentale : une combinaison puissante ?

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Véronique ROSTAS

Véronique Rostas

Coach professionnelle certifiée PCC

Introduction


Coach professionnelle certifiée depuis un peu plus de 10 ans, je me suis récemment intéressée au domaine de la préparation mentale, autre approche de l’accompagnement des personnes, qui m’intriguait depuis longtemps.
Je suis donc maintenant, et depuis peu, titulaire d’un Diplôme Universitaire de « Préparation Mentale et d’Aide à la performance », délivré par l’Université Clermont-Auvergne.

Cette année de formation, par ailleurs si exceptionnelle du fait de la crise sanitaire, a été l’occasion pour moi de réfléchir à ma pratique de coach, à la lumière des méthodes, techniques et outils utilisés dans le domaine de la préparation mentale, et de mettre des mots sur les similarités, différences et complémentarités entre ces deux métiers.

En effet, ma pratique et mon expérience de coach professionnelle ont été fort utiles, car elles me donnent un socle déontologique et quelques compétences fondamentales, telles que l’accueil de l’autre, le questionnement « puissant » et aidant, l’écoute active. Cependant, et peut-être paradoxalement, cette même pratique m’a causé des difficultés, car j’ai régulièrement dû questionner ma posture : en entretien, est-ce que j’étais en position de préparateur mental, ou étais-je en train de « glisser » vers ma zone de confort, et de me mettre en posture de coach ?

Je me suis donc beaucoup interrogée sur la différence entre les deux, car, partie du présupposé que ces deux types d’accompagnement étaient complémentaires, je me suis retrouvée assez vite face à une nécessité, celle de bien distinguer les deux postures, et donc, en l’espèce, de réfléchir aux différences, aux recouvrements, et peut-être aux incompatibilités.

Il me semble important de commencer à « poser le cadre » en définissant les deux approches, avant d’en expliquer les différences, puis bien sûr les complémentarités.

Je précise que ce que j’exprime ici reflète ma compréhension, mon expérience, et est donc singulier.

Quelques définitions

La préparation mentale
J’exprime ici ma compréhension de « préparateur mental en herbe », avec une pratique encore limitée.

Du fait de mon parcours personnel, j’envisage le champ d’intervention de la préparation mentale comme allant au-delà de la seule performance sportive. Je pense entre autres aux musiciens, acteurs, performeurs en tout genre qui, comme les sportifs lors d’une compétition, doivent être capables, après une période de préparation et d’entraînement, de mobiliser toutes leurs ressources à un moment déterminé, dans un but précis. Et la littérature spécialisée évoque cet élargissement du champ d’application.

J’irais même jusqu’à faire l’hypothèse que la mobilisation des capacités mentales est essentielle pour affronter les épreuves que constituent une maladie grave, une opération majeure, un deuil.

Je considère donc la préparation mentale comme une manière efficiente d’accompagner un individu ou un collectif à être prêts pour mobiliser leurs ressources au moment voulu.
La formation universitaire que j’ai suivie, rigoureuse et pilotée par des praticiens expérimentés, m’a donné l’opportunité de m’informer sur les fondamentaux de la préparation mentale. Ce travail théorique m’a permis de comprendre que la préparation mentale a émergé de la compréhension que « talent » et « aptitude » étaient réducteurs pour envisager le développement d’une performance de haut niveau. Il est assez vite apparu aux praticiens et chercheurs qu’au-delà des prédispositions, les
« caractéristiques psychologiques du développement de l’excellence (CPDE) », généralement appelées « habiletés mentales » peuvent s’apprendre, et se développer par le travail.

La définition précise de ces « habiletés mentales » fait l’objet d’un débat très riche, et j’ai fait le choix de reprendre les catégories utilisées dans l’OMSAT (Ottawa Mental Skills Assessment Tool), test beaucoup utilisé par les praticiens, pour identifier de manière plus précise et détaillée ces habiletés. Les catégories utilisées par ce test sont de fait les grandes catégories d’habiletés mentales qui semblent faire consensus, soit :

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Ce modèle me convient vraiment bien, parce que ses thèmes et catégories correspondent à la fois à mon expérience et à un « dénominateur commun minimum » bien en phase avec la manière dont la littérature et la formation sont organisées. Et en tant que praticienne, j’ai besoin d’un référentiel relativement stable – qui peut être incomplet -, qui me donne une base de travail pour accompagner des athlètes « dans la vraie vie ».

Le fait que les habiletés mentales peuvent être développées par des procédures spécifiques, appelées « techniques mentales » fait également consensus. Et l’objet de la préparation mentale est donc de développer la force mentale grâce à un travail spécifique de développement de ces techniques mentales, tout en veillant au bien-être de l’athlète. Le champ d’intervention du préparateur mental est donc circonscrit de manière plus précise que celui du coach, en ceci qu’il concerne exclusivement les « habiletés mentales », et s’inscrit donc dans un ensemble plus vaste, piloté surtout par l’entraîneur, qui, lui, s’occupe des habiletés techniques, ainsi que du développement des aptitudes et capacités physiques de l’athlète.

Il y a donc nécessité pour le préparateur mental de s’inscrire dans un cadre plus large, aussi bien d’un point de vue opérationnel que d’un point de vue méthodologique. Au-delà de l’entraîneur, le préparateur mental doit trouver sa juste place au sein de l’équipe qui accompagne l’athlète, staff médical, administratif, dont la taille varie en fonction du niveau de l’athlète et de sa discipline, sans parler de son environnement familial et social.
Donc, première différence, le cadre d’intervention, défini en interaction avec les autres accompagnateurs, et dans une relation de dépendance plus ou moins marquée, ou au minimum d’interdépendance entre le préparateur mental et le système, en fonction de l’importance accordée à la préparation mentale par l’athlète et son entourage.

Du point de vue du travail de préparation mentale proprement dit, j’ai compris que le préparateur mental propose et enseigne un certain nombre de méthodes que l’athlète répète régulièrement. Le préparateur mental peut ainsi adopter une posture haute, et la combiner avec une posture d’égalité pendant certaines phases de co-création – des objectifs par exemple. Il y a donc une « couleur » plus directive dans la préparation mentale, qui se retrouve d’ailleurs dans un certain nombre des techniques utilisées, en particulier des entretiens de type directif (entretien d’explicitation) ou semi-directif (entretien motivationnel), très différents de ce qui se pratique en coaching.

Cet aspect se retrouve également dans le séquencement des séances de travail, qui suit un protocole défini et est également guidé, voire imposé, par les événements sportifs qui représentent des échéances dictées au sportif et à son préparateur.
Il faut noter que la majeure partie de la littérature sur la préparation mentale est issue de la sphère anglophone, avec l’environnement culturel qui y est associé, ce qui pourrait expliquer également les aspects plus directifs de la préparation mentale. J’ai en effet constaté personnellement que la « manière anglophone » d’approcher le coaching est également plus directive.

La préparation mentale est donc largement définie par son contenu, le système dans lequel elle intervient, et par les compétences à développer par la personne accompagnée, qui sont considérées comme mesurables : il y a en effet un certain nombre de questionnaires visant à évaluer les habiletés mentales, dont bien sûr le questionnaire OMSAT cité plus haut.

Le coaching

En revanche, il est intéressant de noter que ce qui est défini précisément dans le domaine du coaching sont les compétences de base du coach – je fais référence aux 8 compétences définies par ICF :

Fait preuve d’éthique dans sa pratique : le coach comprend et applique de façon cohérente l’éthique et les normes du coaching.

Incarne un état d’esprit Coaching : le coach développe et maintient un état d’esprit ouvert, curieux, flexible et centré sur le client.

Définit et maintient les contrats : le coach est le partenaire du client et des parties prenantes pour définir des contrats clairs concernant la relation de coaching, le processus, les plans et les objectifs.

Développe un espace de confiance et de sécurité : le coach est en partenariat avec le client pour créer un climat de sécurité et de soutien, qui permette au client de s’exprimer librement. Le coach entretient une relation de respect mutuel et de confiance avec son client.

Reste en présence : le coach est pleinement conscient et présent avec le client, en utilisant un style ouvert, flexible, ancré et confiant.

Écoute activement : le coach se concentre sur ce que le client dit et ne dit pas pour bien comprendre ce qui est communiqué dans le contexte des systèmes clients et pour soutenir l’expression du client.

Suscite des prises de conscience : le coach facilite les prises de conscience et l’apprentissage du client en utilisant des outils et des techniques tels que le questionnement puissant, le silence, la métaphore ou l’analogie.

Facilite la croissance du client : le coach est en partenariat avec le client pour transformer les apprentissages et les découvertes en actions. Il favorise l’autonomie du client dans le processus de coaching.

Donc, le coaching se définit presque à l’inverse de la préparation mentale, puisque les compétences mises au centre de cette pratique sont celles du coach, non celles de la personne accompagnée.

Par ailleurs, une lecture attentive de ces définitions aboutit au constat que le terme qui revient le plus souvent est « partenariat ». La posture de coach est donc celle de partenaire, au même niveau que celle du client.

Au-delà de ce cadre de référence, il y a également quelques principes de base communs à toutes les écoles de coaching – dans ce domaine aussi, les modèles et les protocoles abondent !

Les présupposés du coaching peuvent être résumés ainsi :

  • La bienveillance de la relation,
  • Le coaché s’engage,
  • le coaché est intelligent et possède en lui les ressources nécessaires pour accomplir ses objectifs,
  • le coach est un guide, un révélateur d’options, un catalyseur de sens, un accélérateur de performance.
    Les caractéristiques principales du coaching sont:
  • un partenariat où le coach et le coaché font alliance pour réussir le changement souhaité,
  • une orientation vers le futur à partir du présent,
  • une recherche de solutions pragmatiques,
  • une mise en oeuvre des solutions,
  • une méthodologie et un état d’esprit qui permettent un changement positif.

Le coach peut donc s’envisager comme un guide qui accompagne un individu, un groupe ou une organisation dans un processus de changement (transition) en apportant le soutien nécessaire, en révélant le sens et la vision (catalyseur de sens), en permettant à celui ou celle qu’il accompagne de mettre à jour ses propres solutions (accélérateur de performance).

Bref, le coaching fait appel à des techniques d’entretien, assises sur des protocoles et qui suivent des processus bien identifiés. Et l’habileté du coach réside très largement dans sa capacité à donner et garder le cadre grâce à ces protocoles et processus, et aussi à s’en libérer pour donner toute sa place à la créativité et l’individualité du coaché. La qualité de la relation est donc essentielle pour adapter la conduite de l’entretien et l’ensemble de la démarche d’accompagnement aux besoins de la personne accompagnée. Le travail consiste largement en la découverte des ressources de la personne, davantage que par l’apport d’outils ou de techniques. Le coach est donc le plus souvent en posture basse.

Par ailleurs, cette relation privilégiée entre coach et personne accompagnée entre moins en interaction avec le système, même dans le cas, fréquent, où l’accompagnement a été prescrit par une tierce personne. Dans ce cas-là, des réunions « tripartites » entre prescripteur, coach et personne coachée sont organisées, pour en particulier préciser les objectifs du coaching, ce qui peut conduire à des difficultés quand les objectifs de la personne coachée et de son manager ne sont pas alignés. Le système entre donc en ligne de compte, de manière explicite et très cadrée. C’est encore plus le cas lorsqu’il y a un changement majeur pendant la durée de l’accompagnement, réorganisation, licenciement, qui peut avoir un impact plus ou moins grand sur le déroulement du travail de coaching.

Le dosage entre toutes ces variables est donc subtil et s’acquiert par la pratique et la réflexion sur cette pratique, grâce aux mécanismes de co-vision et supervision, indispensables à la fois au respect des principes de déontologie et à un désir de progrès qui est consubstantiel à la démarche de coaching. En effet, comment pourrions-nous amener les personnes avec qui nous travaillons à faire un pas de côté, à remettre en question certaines de leurs croyances, à progresser, si nous ne le faisons pas nous-mêmes ? L’adhésion à ICF implique d’ailleurs d’adhérer également à son code déontologique, et le système d’accréditation individuelle de la fédération inclut une obligation de formation continue.

Des points communs ?

Tout d’abord, rappelons l’évidence : il s’agit dans les deux cas d’accompagner un individu ou un groupe, avec la même obligation de moyens, mais pas de résultats. La « performance » du coach et du préparateur mental ne se mesure pas à l’aune de la performance des personnes accompagnées par rapport aux objectifs qu’elles se sont fixés.
L’ironie du fait que le mot « coach » vienne du monde du sport ne m’a évidemment pas échappé.

Comme évoqué plus tôt, un certain nombre de méthodes et de principes sont communs au coaching et à la préparation mentale. La bienveillance – parfois « piquante » -, le non-jugement, l’écoute active, la reformulation, le questionnement puissant utilisant des questions ouvertes constituent les fondamentaux partagés par les deux pratiques.

D’un point de vue plus personnel, ma pratique de coach étant fortement teintée de PNL, un certain nombre des techniques utilisées en préparation mentale m’ont immédiatement « parlé ». Je pense à tout ce qui concerne l’imagerie mentale bien sûr, mais également les protocoles autour de la fixation d’objectifs – protocole T.O.T.E (test-action-test en français) par exemple – et d’une manière générale, à l’implication constante du corps dans le travail d’exploration des situations, des problèmes et dans l’élaboration des solutions. Tous les protocoles de PNL s’inscrivent dans l’espace et font appel à des déplacements physiques. Fondamentalement, la PNL fait constamment appel à « l’intelligence du corps », à sa mémoire, et repose sur l’intrication étroite entre « esprit » et « corps », ce qui est un des présupposés plus ou moins explicites de la préparation mentale.

Je fais en particulier référence à un « proverbe papou » constamment cité par Robert Dilts, selon lequel « la connaissance n’est qu’une rumeur tant qu’elle n’est pas dans le muscle », ce qui pourrait être la définition de l’objectif de l’entraînement, mental ou physique.

Des différences :

Comme évoqué plus haut, à mesure que j’intègre les techniques de préparation mentale et que je continue ma réflexion sur le métier de coach, je comprends de mieux en mieux la spécificité de la posture de préparateur mental.

J’ai résumé ma compréhension de la manière dont se construit un accompagnement en préparation mentale dans le schéma ci-dessous.

C’est très différent du coaching, où il n’y a pas de construction a priori, avec cependant une intention très forte, déterminée par les objectifs de la personne accompagnée, qui servent de fil conducteur à l’ensemble du travail. Nous travaillons avec des protocoles et nous faisons parfois des propositions d’outils aux personnes que nous accompagnons, qui prennent… Ou pas. Je serais donc bien incapable de faire un schéma similaire pour un accompagnement en coaching !

Ce sont donc des postures très différentes, et les accompagnements que j’ai faits jusqu’à présent ont été une opportunité d’expérimenter ces différences, de constater qu’il était important d’être toujours vigilante sur ces changements de posture, et d’être très claire sur les raisons qui m’ont amenée, de manière très ponctuelle, à endosser la posture de coach durant un accompagnement en préparation mentale.

Il me semble qu’à l’inverse, il y a moins de risques à utiliser ponctuellement, entre autres, des outils de préparation mentale pendant un accompagnement de type coaching, car il s’agit d’une proposition, exprimée comme telle, que la personne est donc libre d’accepter ou non.

Conclusion (provisoire) : des complémentarités puissantes

Donc, en cohérence avec ma pratique du coaching et mon éthique personnelle, j’ai une vision holistique de la préparation mentale, qui doit s’inscrire dans la durée – être écologique. Et au-delà de la compétition, il s’agit bien de permettre à l’athlète de gérer les situations difficiles, d’en tirer même profit, et de capitaliser sur les situations de réussite, dans sa pratique sportive et au-delà.

La réalisation et l’actualisation de soi, au coeur de ce qui m’anime, pour moi-même et pour les personnes que j’accompagne en coaching peuvent donc être servies et amplifiées par l’approche et les outils de la préparation mentale.

En ce qui me concerne, et en toute humilité, je suis très consciente du fait qu’il s’agit de travailler sur du « matériau humain », par définition en bonne partie insaisissable dans sa complexité et sa diversité. Il s’agit donc avant tout de toujours partir des valeurs fondamentales de tout travail d’accompagnement, c’est-à-dire bienveillance, écoute, non-jugement, pour se mettre au service de la personne/du collectif accompagné.

Il a été important pour moi de reconnaître que ces aspects – approche directive et interdépendance avec d’autres intervenants – ont été des points durs pour moi, d’autant plus que les points communs entre les deux pratiques sont bien présents, et ont nécessité une certaine vigilance de ma part quant à la posture qu’il était pertinent d’adopter.

La remise en perspective des apports spécifiques de la préparation mentale par rapport aux autres outils ou méthodes m’aide vraiment à mieux prendre en compte la complémentarité des approches, et en quoi cette posture, nouvelle pour moi, est une opportunité d’élargir ma perspective.
De plus, comme j’éprouve un plaisir particulier à « connecter » divers modèles, processus, théories, je vois un nouvel espace de jeu s’ouvrir à moi à la suite de mes premières expérimentations.

J’ai par exemple utilisé l’approche de l’entretien motivationnel au cours d’un coaching pour accompagner un client qui se trouvait à la croisée des chemins, et avait des difficultés à y voir clair dans le dilemme qui se présentait à lui. Egalement, j’ai proposé des techniques de concentration à une cliente qui voulait se préparer à des réunions à fort enjeu.

Inversement, j’ai utilisé des outils venus du coaching pour travailler sur la confiance en soi d’une athlète que j’accompagnais en préparation mentale, et ai également proposé une lecture guidée par les « leviers » à une athlète qui était en surentraînement, animée par un puissant « sois parfait ».

Je suis donc au début d’une passionnante exploration de nouveaux possibles, aussi bien dans le type de personnes accompagnées que dans les approches offertes par une combinaison pertinente et consciente des approches « coaching » et « préparation mentale ».

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